Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/196

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aucune puissance ne peut plus m’enlever ma fiancée ! Ô Lénora, reçois, reçois le baiser des fiançailles !

Il tendit les bras vers elle ; Lénora, tremblante d’angoisse et de bonheur à la fois, demeura immobile, rougissante et le regard baissé, comme si elle eût attendu ce baiser solennel ; mais avant que le jeune homme eût eu le temps de céder à la passion qui l’emportait, monsieur de Vlierbecke était près de lui et, saisissant énergiquement sa main, paralysait son élan.

— Monsieur Denecker, dit d’une voix sévère le père ému, veuillez modérer votre joie. Assurément, nous sommes heureux de vous revoir… mais il n’est permis ni à vous ni à nous d’oublier ce que nous sommes… Respectez notre indigence…

— Que dites-vous ? s’écria Gustave. Ce que vous êtes ? Vous êtes mon ami, mon père ! Lénora est ma fiancée !… Ciel ! pourquoi ce regard de reproche ? Je m’égare… je ne sais ce que je fais…

Il ressaisit la main de Lénora, l’attira près de son père, et dit avec précipitation :

— Écoutez !… Mon oncle est mort en Italie ; il m’a fait son héritier universel ; il m’a ordonné à son lit de mort d’épouser Lénora ; j’ai remué ciel et terre pour vous trouver ; j’ai souffert et pleuré longtemps loin de ma bien-aimée, je vous ai découverts enfin ! Et maintenant, je viens demander la récompense de mes souffrances ; ma fortune, mon cœur, ma vie, je mets tout à vos pieds ; et en échange j’implore le bonheur de conduire Lénora à l’autel. Ô mon père, accordez-moi cette insigne faveur ! Venez, le Grinselhof vous attend ; je l’ai acheté pour