Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/21

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mortel silence se rétablit un instant, mais bientôt la voix de l’enfant s’éleva de nouveau :

— Chère maman, disait-il, j’ai faim. Oh ! donnez-moi un petit morceau de pain !

Cette fois la femme leva la tête, car la voix de l’enfant était déchirante et frappa son cœur de mère comme un coup de couteau. Un feu sombre étincela dans son regard ; on y pouvait lire son désespoir.

— Cher petit Jean, répondit-elle en fondant en larmes, tais-toi, pour l’amour de Dieu ! Je meurs de faim moi-même, mon pauvre enfant, et il n’y a plus rien à la maison.

— Oh mère ! je souffre tant !… un tout petit morceau de pain, n’est-ce pas ?

Le visage de l’enfant avait, en ce moment, une expression si suppliante, les angoisses de la faim étaient si profondément empreintes sur ses traits pâles et blêmes, que la mère bondit comme si elle allait commettre un acte de désespoir ; elle plongea une main tremblante sous la couverture du lit, en retira un petit pain, et revint vers l’enfant :

— Tiens, Jean, dit-elle, j’avais gardé ceci pour faire de la bouillie à ta pauvre petite sœur, mais je crains bien qu’il n’en ait plus besoin, l’innocent agneau !

Sa voix se brisa, son cœur maternel débordait de douleur. Dès que Jean vit, comme une étoile de salut, le pain briller à ses yeux, ses lèvres s’humectèrent de convoitise, les muscles de ses joues frémirent, il s’élança les deux mains en avant et saisit le pain comme le loup saisit sa proie.