Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/22

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La mère revint à l’enfant malade, le considéra un instant et retomba, épuisée, sur la pierre.

Saisi d’une joie inexprimable, le petit garçon porta avidement le pain à sa bouche et y mordit avec fureur, jusqu’à ce qu’il en eût dévoré un peu plus de la moitié ; alors il s’arrêta soudain, contempla plusieurs fois le morceau d’un regard de désir, le porta à sa bouche à mainte reprise, mais n’en mangea plus. Il se leva enfin, s’approcha lentement de sa mère, la secoua par le bras pour la tirer du sommeil dans lequel elle semblait plongée, et lui tendant le morceau de pain, il dit d’une voix douce :

— Chère petite mère, tiens ! J’ai gardé un petit morceau pour notre Mariette. J’ai encore grand faim et grand mal, mais grand-papa reviendra, j’aurai sûrement une tartine, n’est-ce pas, maman ?

La malheureuse femme enlaça l’excellent enfant dans ses deux bras et le serra tendrement sur son sein ; un instant après, elle le laissa glisser de ses genoux sans s’en apercevoir et retomba dans son premier abattement. Jean s’approcha tout doucement de sa sœur, déposa un baiser sur la joue amaigrie de la petite malade et dit : — Dors encore, chère Mariette ; puis il revint auprès du feu, s’accroupit de nouveau sur le sol et demeura silencieux.

C’est alors que la généreuse Anna s’arrêta sur le seuil de la misérable demeure en voyant de loin venir son amie.

Une heure entière s’écoula sans que la mère infortunée sortit de sa douloureuse rêverie. Elle aussi avait faim, elle aussi entendait le cri impérieux de l’organisme