Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/218

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fort et un long soupir auquel se mêlent de temps en temps ces mots : « Mère, chère mère ! »

Ils approchaient en silence du carrefour ; le grand-père se plaça de l’autre côté du jeune homme et lui dit d’un ton grave :

— Jean, mon fils, tu rempliras tes devoirs sans répugnance et avec amour, n’est-ce pas ? Tu seras obéissant envers tes supérieurs et tu souffriras, sans te plaindre, l’injustice, s’il arrive, par hasard, qu’il t’en soit fait une ? Tu seras prévenant et serviable pour chacun ; tu feras preuve de bon vouloir, et t’acquitteras courageusement de tout ce qui te sera ordonné ? Alors Dieu t’aidera, tes officiers et tes camarades t’aimeront.

Trine, sa mère et le petit garçon étaient déjà sous le tilleul, priant agenouillés sur le banc de gazon.

Jean n’eut pas le temps de répondre aux recommandations du grand-père ; sa mère l’attirait vers le banc. Tous se mirent à genoux et prièrent les mains levées au ciel…

Le vent murmure doucement dans les branches des sapins, le soleil printanier dore de ses rayons joyeux le chemin de sable, les oiseaux chantent leur gaie chanson ; pourtant il règne un silence solennel, car on entend distinctement la prière s’élever autour du tilleul…

C’est fini ; tous se lèvent, mais de tous les yeux s’échappe un torrent de larmes. La mère embrasse son fils en poussant des plaintes déchirantes, et bien que les autres aient déjà les bras ouverts pour la triste étreinte de l’adieu, elle ne laisse pas aller son enfant ; elle étanche