Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/23

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épuisé, et d’affreuses souffrances déchiraient ses entrailles. Mais elle était assise auprès d’un lit de mort : elle attendait avec angoisse l’heure épouvantable où elle, mère, elle verrait son enfant râler et mourir. Pouvait-elle songer à ses propres maux ? Non ! une mère est toujours mère, heureuse ou misérable, riche ou pauvre ; il n’est pas de sentiment plus profond, de passion plus vaste que celle qui attache une femme à son enfant, et ce sentiment, cette passion est d’autant plus fervente et plus entière chez celles qui savent combien de soins, d’angoisses et de sueurs leurs enfants leur ont coûté.

Les pauvres surtout savent cela !

À dix heures la mère et l’enfant tressaillirent en même temps, comme mus par une mystérieuse impulsion. Elle s’élança de la pierre, lui du foyer, et tous deux s’écrièrent ensemble :

— Ah ! voilà ton père, Jean !

— Ah ! voilà papa, mère !

Un sourire joyeux donna une nouvelle expression à leur physionomie. Ils avaient entendu le bruit d’une voiture s’arrêter à la porte, et se précipitaient au-devant de celui qu’ils attendaient, mais un homme entra brusquement dans la chambre avant qu’ils n’en eussent atteint le seuil. Tandis qu’il secouait la neige de ses épaules, Jean avait saisi une de ses mains et s’y suspendait comme s’il eût voulu amener son père plus avant. L’homme avait tendu l’autre main à sa femme, et la contemplait avec une profonde tristesse. Enfin il dit en soupirant :

— Thérèse, nous avons du malheur, femme ! Depuis le matin je me suis tenu avec le bac à moules aux en-