Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/221

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de ton grand-père et de ton petit frère ; j’irai à la charrue quand il faudra et veillerai à ce qu’il ne manque rien au bœuf. J’ai assez de force et de santé, et saurai faire en sorte qu’à ton retour tu retrouves tout comme tu l’auras laissé…

— Tout ? réplique le jeune homme avec un regard profond, tout ?

— Oui, tout…, et je n’irai pas à la kermesse tant que tu seras loin ; car sans toi je ne puis avoir que du chagrin… Mais… mais il ne faut pas non plus que tu fasses ce que dit le vilain forgeron, de boisson et de jolies filles ; si j’apprenais pareille chose, je serais bientôt couchée dans le cimetière…

En ce moment, la main de Karel s’appesantit sur l’épaule de Jean, et il chanta d’une voix plaisamment attristée :

Mon Dieu, ma chère, il me faut vous quitter !
Quel triste sort ! me voilà militaire.
xxxxAh ! gardez-vous de m’oublier !



Une pudique rougeur monta au front de la jeune fille. Jean, remarquant son embarras, répondit sur le même ton aux plaisanteries de son camarade et prit le bras de celui-ci pour se rendre au village. Trine les suivait à distance, plongée dans un morne silence.

Ils arrivent enfin au village. Devant l’auberge de la Couronne se trouvent encore trois jeunes gens le paquet sur le dos ; ils attendent l’arrivée de Jean et de Karel.

Chacun donne à ses parents et à ses amis le baiser du départ. Seule, Trine n’embrasse personne, mais