Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/222

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dans le regard qu’elle échange à la dérobée avec Jean en lui donnant le pain noir, il y a tout un émouvant poëme d’amour.

Les conscrits partent pour la ville.

Trine s’éloigne du village sans pleurer ; mais au milieu des sapins son courage l’abandonne ; c’est le tablier devant les yeux qu’elle revient à la chaumière où tout sera désert, à moins que le souvenir ne remplisse le vide laissé par le départ d’un fils et d’un amant.


III


Par une belle journée d’automne, Trine toute sautillante quittait le village pour retourner aux chaumières. Son visage embelli par un doux sourire trahissait une profonde satisfaction et un joyeux empressement ; légers étaient ses pas sur le sable poudreux du chemin, et par intervalles des sons insaisissables s’échappaient de sa bouche, comme si elle se fût parlé à elle-même.

D’une main elle tenait deux grandes feuilles de papier à écrire, de l’autre une plume taillée à neuf et une petite bouteille d’encre que lui avait données le sacristain.

Chemin faisant, elle rencontra la belle Jeanne, la fille du sabotier qui, tout en chantant et une botte de trèfle sur la tête, débouchait d’un sentier latéral et arrêta son amie par ces mots :

— Hé, Trine ! où cours-tu avec ce papier ? Que tu es pressée ! il n’y a le feu nulle part pourtant ? Dis-moi donc comment va Jean !

— Jean ! répondit Trine, le bon Dieu le sait, ma