Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/223

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chère Jeanne. Depuis qu’il est parti, nous n’avons encore eu que trois fois de ses nouvelles, et il se portait bien. Voilà plus de six mois qu’un camarade de Turnhout à laissé pour nous à la Couronne une commission de lui ; cela doit être bien malaisé aussi, car il est quelque part de l’autre côté de Maestricht, et il ne vient pas tous les jours de si loin des connaissances de ce côté-ci.

— Ne sait-il donc pas écrire, Trine ?

— Il l’a bien su, à preuve que quand nous étions petits et que nous allions ensemble à l’école chez le sacristain, il a même eu un prix d’écriture. Mais il l’aura oublié comme moi.

— Et que vas-tu faire de ce papier ?

— Oh, Jeanne, depuis deux mois, vois-tu, j’ai retiré de mon coffre mon vieux cahier d’écriture, et j’ai rappris. Je veux essayer si je ne pourrai pas faire une lettre. Cela ira-t-il, je n’en sais rien. As-tu jamais écrit une lettre en ta vie ?

— Non, mais j’en ai entendu lire beaucoup ; mon frère Jacques, qui demeure à la ville, nous en envoie une presque tous les mois.

— Et comment cela est-il une lettre ? Qu’y a-t-il dedans ? Est-ce comme si on parlait à quelqu’un ?

— Oh que non, Trine ! C’est quelque chose de très-beau ! toutes sortes de compliments et de grands mots qu’on ne peut presque pas comprendre.

— Ah mon Dieu, Jeanne, comment en sortirai-je ? Mais si, par exemple, j’écrivais ainsi : — « Jean, nous sommes tristes, parce que nous ne savons si vous vous portez bien ; il faut nous donner bien vite de vos