Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/226

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— Viens ici, Trine, dit la mère de Jean, mets-toi sur la chaise du grand-père ; elle est bien plus commode.

La jeune fille prit silencieusement place à la table, posa les feuilles de papier devant elle, et mit en rêvant le bec de la plume entre ses lèvres…

Pendant ce temps les femmes et le grand-père contemplaient avec une extrême curiosité la jeune fille plongée dans ses réflexions. Le petit frère, les deux coudes sur la table et bouche béante, promenait son regard de la bouche aux yeux de Trine, pour épier ce qu’elle allait faire de la plume.

Mais Trine se leva, toujours muette, prit dans l’armoire une tasse à café, y versa l’encre que renfermait la petite bouteille et revint s’asseoir à la table, et se mit à tourner et retourner dix fois le papier.

Enfin elle plongea la plume dans l’encre et s’arrangea comme si elle allait écrire. Après un instant elle leva la tête et demanda :

— Eh bien, dites-moi donc ce que je dois écrire !

Les deux veuves se regardèrent l’une l’autre d’un air interrogateur et portèrent en même temps les yeux sur le grand-père malade qui, le cou tendu, avait l’œil fixé sur la main de Trine.

— Eh bien, écris toujours que nous nous portons tous bien, dit le vieillard en toussant ; une lettre commence toujours comme ça.

— Voilà bien une chose à dire ! répliqua Trine avec un sourire désapprobateur, que nous nous portons tous bien ! et depuis quinze jours vous êtes au lit, malade…