Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/229

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— Ouf ! Ce B est la plus difficile de toutes les lettres ; mais le voilà enfin avec sa longue tête !

Les deux femmes se levèrent et considérèrent avec admiration la lettre, qui était au moins aussi grande que le petit doigt.

— Cela est joli ! s’écria la mère de Jean ; cela ressemble à une guêpe ; et cela veut dire Bien-aimé Jean ! Écrire est pourtant une belle chose : on dirait quasi qu’il y a de la sorcellerie là-dedans !

— Allons ! allons ! laissez-moi continuer ! dit Trine avec résolution ; je m’en tirerai bien. Si seulement la plume ne crachait pas autant !

Elle recommença à travailler suant et soufflant. Le grand-père regardait et toussait, les femmes se taisaient et n’osaient bouger ; le petit frère trempait son doigt dans l’encre et pointillait son bras nu de taches noires.

Quand, au bout d’un certain temps, la première ligne fut pleine de grandes lettres, la jeune fille s’arrêta.

— Où en es-tu, Trine ? demanda la mère de Jean. Il faut nous lire tout ce que tu as mis sur le papier.

— Que vous êtes pressée ! s’écria Trine ; il n’y a encore rien autre chose que Bien-aimé Jean. Il me semble que c’est déjà bien comme cela. Voyez un peu comme la sueur me coule du front ! J’aime encore mieux ôter le fumier de l’écurie ; vous croyez sans doute que ce n’est pas un travail qu’écrire ? Paul, ne touche plus à l’encre, autrement tu renverseras la tasse.

— Continue donc, ma fille, dit le vieillard, sans cela la lettre ne sera pas encore écrite la semaine prochaine.