Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/24

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virons du chemin de fer, et je n’ai rien gagné ! Vois-tu, Thérèse, tu me croiras, si tu le veux, mais je voudrais être mort !

Quelque impuissantes que fussent les paroles du pauvre homme à exprimer sa douleur, celle-ci n’était pas moins cuisante. Sa tête s’affaissa avec découragement sur l’épaule ; ses yeux se fixèrent obstinément sur le sol ; on voyait à ses poings crispés, on entendait au craquement de ses doigts, que les convulsions du désespoir secouaient violemment ses nerfs.

La femme, oubliant ses propres souffrances à la vue des tortures qu’endurait son mari, lui jeta les bras autour du cou et répondit en sanglotant :

— Oh ! François, tais-toi… cela ne durera pas toujours, va ! Ce n’est pas ta faute que nous soyons si malheureux !


— Père, père, cria le petit garçon, j’ai faim, aurai-je une tartine maintenant ?

Ces paroles jetèrent l’ouvrier dans une affreuse agitation ; tous ses membres frémirent, ses regards tombèrent avec une sorte de fureur sur le petit garçon qu’il fixa avec une expression si farouche et si sauvage, que l’enfant, épouvanté et pleurant, se réfugia au coin du foyer et cria de là en fondant en larmes :

— Oh ! cher petit papa, je ne le ferai plus jamais !

Sans être délivré du trouble effrayant qui agitait son âme et son corps, l’ouvrier s’approcha du lit, considéra d’un œil encore dur la petite mourante qui leva encore vers son père ses yeux voilés.

— Thérèse, s’écria-t-il, je ne puis le supporter plus