Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/231

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le petit garçon était tellement entiché de l’encre, qu’on ne pouvait l’en tenir à distance.

Cependant les deux premières pages se remplirent jusqu’au bas. Sur les instances des femmes, Trine donna, avec un certain orgueil, lecture de son œuvre conçue comme il suit :

« Bien-aimé Jean,

« Comment va ta santé ? Dieu soit loué ! nous nous portons encore tous bien, et le bœuf et la vache aussi, excepté le grand-père qui est malade, et nous te souhaitons tous ensemble le bonjour. Il y a six mois passés que nous n’avons plus rien entendu de toi. Fais-nous donc savoir si tu vis encore. C’est mal à toi de nous oublier, nous qui t’aimons tant, tellement que ta mère parle de toi toute la journée, et que moi je rêve toutes les nuits que tu es malheureux, et que j’entends toujours ta voix crier à mon oreille : Trine ! Trine ! si fort que je m’éveille tout d’un coup… et le bœuf, pauvre bête, regarde toujours hors de l’étable, et gémit qu’on en pleurerait quasi. Et c’est pour nous tous un si grand chagrin de ne rien savoir de toi, qu’il faut en avoir pitié, Jean ; car ta bonne mère en tombera en langueur ; quand la pauvre femme entend ton nom, elle ne sait plus parler et commence à pleurer si fort que mon cœur à moi s’en brise souvent… »

Pendant la lecture de ces lignes les yeux des auditeurs s’étaient peu à peu remplis de larmes, mais au ton triste des derniers mots personne ne put résister à son émotion, et la jeune fille fut interrompue par des sanglots. Le