Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/232

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grand-père avait posé la tête sur le bord du lit pour cacher ainsi ses larmes ; la mère de Jean trop profondément remuée pour comprimer le sentiment qu’elle éprouvait, se jeta sur la jeune fille et l’embrassa sans dire un mot, tandis que Trine remarquait avec stupéfaction l’effet de sa rédaction.

— Trine ! Trine ! où prends-tu les mots ? s’écria l’autre veuve. C’est comme des couteaux qui vous passent dans le cœur. Mais c’est tout de même bien beau !

— Oh, c’est la pure vérité, dit la mère de Jean en soupirant ; il faut qu’il sache enfin le mal que j’ai souffert ! Continue à lire, ma chère Trine ; je suis tout ahurie que tu saches écrire ainsi : on n’a jamais entendu chose pareille ; tes mains sont sûrement beaucoup trop bonnes, mon enfant, pour traire les vaches et travailler aux champs, mais Dieu permet tant de choses dans le monde !

Tout aise de ces éloges, la jeune fille dit avec un sourire fier :

— N’est-ce que cela ? Laissez faire, et j’écrirai au mieux avec le premier venu. Voilà déjà une bonne lettre trouvée… Écoutez ! ce n’est pas encore fini.

« Ô Jean, si tu savais, tu nous donnerais bien vite de tes nouvelles.

« Le trèfle a manqué à cause de la mauvaise semence, et puis parce qu’il a été gelé. Mais notre luzerne fait plaisir à voir ; elle est tendre comme du beurre. Le grain a un peu souffert du temps sec ; mais le bon Dieu nous a donné comme une bénédiction du beau sarrasin et beaucoup de pommes de terre hâtives. Et puis le cham-