Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et le désastre amèrement déploré ; le tout finit par cette exclamation :

— Oh ! mon Dieu, quel malheur !

— Allons ! allons ! dit Trine avec résolution, le malheur n’est pas si grand : j’avais l’intention de recopier la lettre ; car au commencement cela n’allait tout de même pas bien : les lettres étaient trop grandes et l’écriture trop de travers. Je saurai faire mieux à cette heure que j’ai pris courage à la chose. Je vais courir bien vite au village pour y prendre du papier et de l’encre et pour faire retailler ma plume, car elle est devenue beaucoup trop molle.

— Va donc vite ! répondit-on. Tiens, voilà la pièce de cinq francs du veau. Fais-la changer chez le sacristain ; car il nous faudra bien envoyer trente sous au moins au pauvre Jean. Hop ! Paul… dehors, polisson ! et avise-toi de rentrer avant le soir, si tu l’oses !

Trine sortit aussitôt et, souriant d’un air satisfait, prit en courant la direction du village. Le triomphe qu’elle avait obtenu, la conviction qu’elle avait de pouvoir désormais écrire à Jean, et par-dessus tout une sorte de naïf orgueil de son habileté, remplissaient son cœur d’une douce joie.

Arrivée au tilleul du carrefour, elle vit de loin le porteur de lettres qui s’avançait vers elle à grands pas. Elle s’arrêta brusquement et sentit battre son cœur ; ce sentier ne conduisant qu’aux chaumières au delà desquelles s’étendaient la bruyère déserte et la forêt, elle ne doutait pas que le messager n’apportât des nouvelles de Jean.