Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/235

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En effet, lorsqu’il fut proche, il tira une lettre de son portefeuille, et dit en souriant :

— Trine, voici quelque chose pour vous qui vient de Venloo ; mais cela coûte trente-cinq cents.

— Trente-cinq cents[1] ! murmura Trine en prenant la lettre d’une main tremblante et en considérant l’adresse, comme si elle réfléchissait.

— Oui, oui, répondit le facteur, cela est écrit sur l’adresse. Est-ce que je vous tromperais pour si peu ?

— Pouvez-vous changer cela ? demanda Trine en lui tendant la pièce de cinq francs.

Le facteur changea la pièce, retint le montant du port, salua amicalement la jeune fille, et s’en retourna au village.

Trine s’élança dans le sentier, et courut transportée d’allégresse vers la maison. Poussée par l’impatience, elle ouvrit la lettre, et ne fut pas peu surprise d’en voir tomber une seconde de l’enveloppe. Elle s’arrêta pour la ramasser. Elle rougit jusqu’au front ; un sourire flotta sur ses lèvres et ses yeux brillèrent d’une douce émotion. Sur la seconde lettre, il y avait en grandes lettres : Pour Trine seule… Pour Trine ! L’âme de Jean était enclose dans ce papier ; sa voix allait en sortir pour lui parler à elle seule ! Il y avait un secret entre Jean et elle !

Émue et troublée, elle resta un instant les yeux fixés sur le sol ; mille pensées de toute espèce lui passèrent par la tête comme un torrent, jusqu’au moment où

  1. Pièce de monnaie représentant la centième partie du florin, c’est-à-dire environ deux centimes.