Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/236

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le lointain mugissement du bœuf vint frapper son oreille et lui rappeler qu’elle ferait mal de s’arrêter plus longtemps. Elle cacha la seconde lettre dans son sein, et courut d’une haleine jusqu’à la chaumière, où elle tomba au milieu des femmes dans l’attente, en s’écriant d’une voix joyeuse et retentissante :

— Une lettre de Jean ! une lettre de Jean !

Les deux veuves, saisies de la stupéfaction que cause le bonheur, coururent à elle, et sautèrent de joie à cette nouvelle inattendue. Le grand-père fit, pour mieux voir, un tel mouvement hors de l’alcôve, qu’il faillit tomber du lit.

La jeune fille raconta précipitamment comment elle avait rencontré le facteur sur son chemin, et comment il lui avait demandé trente-cinq cents, mais elle fut interrompue dans son récit par les femmes qui s’écriaient incessamment :

— Oh ! Trine ? lis-la ! lis-la !

Trine alla s’asseoir à la table et commença à épeler la lettre à haute voix. L’écriture n’étant pas trop lisible, elle ne pouvait avancer que mot à mot, et plus d’une fois elle fut obligée de recommencer pour en faire quelque chose qui fût compréhensible. Elle lut :

« Très chers parents !

« Je prends la plume en main pour m’informer de votre santé, et j’espère que vous en ferez autant pour moi, vu que j’ai gagné mal aux yeux, et je suis à l’infirmerie. J’ai beaucoup de chagrin, chers parents, et j’ai