Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/238

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« Kobe[1], le fils du jardinier Baptiste, est devenu caporal. À la caserne, les rats ont fait un grand trou dans mon sac, et on a mis un sac neuf à ma masse, et cela coûte sept francs et septante centimes. Autrement, je n’ai plus de dettes. Je suis aimé de tous mes officiers, et le sergent, qui est un Wallon de Liége, me voit tout à fait de bon œil.

« Celui qui a écrit cette lettre est Karel ; il est aussi à l’infirmerie avec un mal aux yeux. Mais il ne faut pas le faire savoir à son père, car il est presque guéri. Les autres amis de notre village sont encore en bonne santé. Avec cela, chers parents, nous avons tous l’honneur de vous saluer des pieds et des mains.

« Votre fils obéissant. »


Après cette lecture, Trine porta à ses yeux le coin de son tablier et se désola silencieusement ; le grand-père avait disparu sous les couvertures, les deux femmes pleuraient toujours sans parler.

Ce douloureux silence, qu’interrompaient seuls de temps en temps des soupirs et des sanglots, dura longtemps ; enfin Trine se leva, détacha une faucille de la muraille et gagna la porte en disant :

— Avec ce chagrin, j’allais oublier notre pauvre bœuf ! Je vais chercher de la luzerne au champ. Prenez courage en attendant, et pensez à ce que nous devons faire.

Personne ne répondit. La jeune fille prit une brouette près de la porte, et s’éloigna de la maison. Au détour

  1. Jacques de Jacobus.