Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/240

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À peine la jeune fille, en proie à une violente surexcitation nerveuse, eut-elle lu le dernier mot de cette lettre, qu’une pâleur mortelle s’étendit sur son visage, ses bras s’affaissèrent à ses côtés, ses yeux se fermèrent, et sa tête se pencha languissamment en arrière sur la brouette…

Elle gisait privée de sentiment et plongée dans un profond évanouissement.

La brise tiède de la bruyère murmurait dans les chênes et faisait ondoyer l’ombre du feuillage sur son front d’albâtre ; l’abeille voltigeait en bourdonnant à son oreille ; l’alouette chantait sa chanson au fond du ciel ; plus loin, dans la solitude, régnait l’éternel cri de la cigale, et cependant tout pour elle était calme et silencieux… rien n’éveillait la jeune fille de son mortel assoupissement.

Le soleil poursuivit insensiblement sa carrière jusqu’à ce qu’un de ses ardents rayons perçât le feuillage et vînt éclairer le visage de la jeune fille.

L’infortunée ouvrit lentement les yeux, tandis que le sang recommençait à couler dans ses veines. Elle leva la tête comme quelqu’un qui s’éveille et promena autour d’elle un regard étonné, comme si elle n’eût pas eu conscience de son état.

La lettre, encore ouverte à ses pieds, lui rappela l’affreuse catastrophe. Elle ferma le fatal papier, le cacha dans son sein, pencha la tête vers la terre et tomba dans une profonde méditation.

Peu d’instants après, elle se leva, mena en toute hâte sa brouette dans un petit champ, où elle arracha à demi