Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/250

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un veau à votre père. Un si beau veau tacheté ! J’en ai encore l’argent dans ma poche.

— Et comment va mon père ? bien ?

— Bien ! c’est un homme comme un chêne… Et je me rappelle maintenant qu’il m’a dit que vous étiez aussi soldat… Mais ne connaissez-vous donc pas notre Jean ?

— Comment est son autre nom ?

— Braems !

— Oh ! mon Dieu, comment ne connaîtrais-je pas Jean Braems ! Nous sommes de la même compagnie… Nous sortions toujours ensemble avant qu’il eût mal aux yeux.

La jeune fille saisit les deux mains du soldat avec une profonde émotion, et reprît :

— Voyez-vous, mon ami, je remercie notre Seigneur d’être venue dans cet estaminet. Vous me montrerez bien où je dois aller pour voir Jean, n’est-ce pas ? Les jeunes gens de notre côté sont tous de bons garçons !

— Certainement, je vous conduirai jusqu’à l’infirmerie. Vous savez qu’il est aveugle ?

— Hélas ! oui, dit Trine avec un gros soupir ; mais, au nom de Dieu, c’est donc bien vrai ? Nous en avons tant pleuré…

Les soldats avaient vu avec une sorte de jalousie l’intimité qui s’était établie entre Trine et le jeune Campinois. Le maître d’armes surtout s’agitait sur sa chaise avec force gesticulations. Ce faisant, il s’était rapproché de la jeune fille, et au moment où elle songeait le moins à lui, il lui passa la main sous le menton.

Le Flamand bondit impétueusement et éclata en me-