Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/251

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naces ; mais Trine, dont le visage était pourpre d’indignation, se leva et appliqua sa main avec tant de force sur la face du maître d’armes, que la tête lui en tourna.[1]

Dès que le maître d’armes fut revenu de son étourdissement ; l’estaminet devint le théâtre d’une scène de tumulte et de confusion. Il saisit une pinte et voulut en frapper la jeune fille à la tête ; mais le jeune Campinois, plus solidement bâti que lui, lui sauta lestement à la gorge et lui enleva la pinte. Les camarades intervinrent et séparèrent les combattants en disant que des soldats ne se battaient pas à coups de poing, et que c’était au sabre à décider entre eux.

Tandis que Trine tremblante et en proie à la plus vive anxiété entendait un torrent de grossières invectives frapper son oreille, tandis que les soldats se bousculaient de çà, de là, tout en se querellant et que l’hôtesse s’écriait qu’elle allait appeler la garde, un roulement de tambour retentit soudain dans la caserne.

— La soupe ! la soupe ! s’écrièrent ceux qui n’étaient pas mêlés à la dispute ; ils laissèrent les autres là et quittèrent à la hâte l’estaminet.

Le maître d’armes proféra encore quelques menaces en s’en allant de même, et disant au Campinois :

— À chinq heures sol terreing ! edj vindrai vo quérie[2]!

— Bien, bien, blagueur, on y sera ! répliqua le soldat provoqué, avec un rire moqueur.

  1. Ce mode de défense un peu rude est généralement répandu parmi les paysannes de la Campine, et y est considéré comme le devoir de toute femme honnête.
  2. À cinq heures sur le terrain ! et je viendrai vous chercher ! Ces mots se trouvent dans le texte en wallon liégeois.