Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/254

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de sa mère, les joies du dimanche après le long travail de la semaine ; les chansons sous les tilleuls verdoyants, le babil de la pie de la maison, l’aboiement du chien, le bruit sourd et monotone du vent dans les sapins, tout cela surgissait frais et plein de vie sous ses yeux, tout cela se confondait à son oreille en une harmonie magique ; tout cela le retenait fasciné dans la contemplation enchanteresse de la vie tant regrettée des jours passés…

— Qu’ai-je donc dit qui vous attriste, Kobe ? demanda Trine d’une voix douce.

— Ah ! chère Trine, répondit-il, je ne le sais pas moi-même ; notre village est venu tout d’un coup sous mes yeux, aussi clairement que si je voyais le soleil briller sur notre clocher. Mon père était occupé à râteler le chaume dans notre champ, ma mère était auprès de lui, et j’entendais qu’ils parlaient de moi… J’étais comme hors de sens ; mais c’est fini maintenant…

— Allons, Kobe, dit Trine, menez-moi tout de suite auprès de Jean ; il sera si content de me voir…

— Vous savez sûrement son malheur ?

— Hélas ! oui, je viens pour lui parler et le consoler. Ne me faites pas attendre davantage, et conduisez-moi bien vite près de lui.

— Chère Trine, comme je vous plains ! dit Kobe en soupirant avec une sincère tristesse.

— Et pourquoi ? s’écria Trine. Oh ! Kobe, achevez : vous me faites peur.

— Malheureuse Trine ! répondit Kobe, personne ne peut voir les aveugles ni ceux qui ont mal aux yeux ! cela nous est défendu sous une forte punition.