Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/259

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— Ah ! les pauvres garçons ! dit Trine avec un soupir ; si c’est ainsi, je leur pardonne de tout mon cœur ; mais je n’aime tout de même pas cela. Allons plutôt nous asseoir sur le banc dans ce petit coin obscur, Jean ; J’ai tant de choses à te dire.

En disant ces mots, elle conduisit son amant vers le banc et s’y assit à côté de lui en gardant ses mains dans les siennes.

L’entretien qui s’engagea devait être souverainement touchant, bien qu’on ne pût entendre les paroles échangées ; sur les traits de Trine se peignaient tour à tour la joie et la tristesse ; tous deux essuyaient fréquemment leurs larmes, et de temps en temps la jeune fille serrait les mains de Jean avec une profonde effusion. Sans doute elle versait le baume des consolations dans le cœur de l’infortuné ; car les rares paroles qu’on pouvait saisir avaient la douceur pénétrante des plus doux accents d’un chant d’amour. Sur le visage de Jean, qui avait un peu relevé la visière verte, se peignait une expression étrange d’attention rêveuse et en même temps de souffrance désespérée, semblable à celui qui du fond de l’abîme de douleur entend des paroles qui ne lui font pas oublier sa peine, mais qui le livrent pour un instant à la fascination d’un bonheur imaginaire.

Groupés en demi-cercle, les aveugles se tenaient silencieux autour du couple ému. Eux aussi tendaient l’oreille pour entendre ce qui se disait et saisir quelques-unes des paroles consolatrices.

Le caporal était resté devant la porte et se promenait de haut en bas, en passant de temps en temps la tête