Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/261

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— Ah ! je vous en prie ; encore une petite demi-heure ! Je dirai pour vous sept Notre père, et baiserai ma main de joie.

— Allons, allons, finissons ces enfantillages ! dit le sergent d’une voix rude. Pas une minute de plus !

— Mais, mon Dieu, mon cher monsieur, s’écria Trine désolée, je viens à pied de l’autre côté du pays pour consoler un peu notre malheureux Jean, et vous iriez me chasser maintenant ? Je ne lui ai presque rien dit encore !

— Sortez-vous, oui ou non ? s’écria le sergent, qui appuya son injonction d’invectives menaçantes et grossières qui firent trembler la jeune fille.

Les larmes jaillirent de ses yeux, et levant vers le sergent ses mains jointes, elle reprit en sanglotant :

— Pour l’amour de Dieu, mon ami, donnez-moi encore un petit quart d’heure ! Ne me faites pas mourir ; ayez pitié d’un pauvre aveugle : cela peut vous arriver aussi, monsieur ! Votre cœur ne se briserait-il pas si vous voyiez votre mère ou votre sœur chassée comme un chien ! Ah ! monsieur l’officier, ayez pitié de nous : je vous aimerai pendant ma vie entière !

La cruauté du sergent arrachait à Jean et aux autres aveugles des murmures irrités, et ils appuyèrent la prière de la jeune fille. Toute la salle fut en émoi ; c’était comme une rébellion des aveugles contre l’inexorable supérieur. Celui-ci, plus irrité encore par ces démonstrations, les menaça de les faire mettre tous à la diète du pain et de l’eau, et saisit brusquement Trine par le bras pour la mettre de vive force à la porte ; mais Trine, prévoyant son irrévo-