Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/263

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oublier ? Je me souviendrai de vous dans toutes mes prières.

Du moment qu’on céda si humblement à son ordre, le sergent sentit s’évanouir toute sa colère ; la douce voix et les beaux yeux si éloquents de la jeune fille avaient attendri son âme, et ce fut avec une véritable bonté qu’il répondit :

— Eh bien, partez bien vite, et si l’infraction demeure ainsi cachée, par pitié pour vous je me tairai et j’oublierai…

— Excellent homme que vous êtes ! s’écria Trine, je le savais bien : ne parler-vous pas flamand comme nous ! Je m’en vais à l’instant ; encore un seul bonjour !

Elle embrassa encore une fois le malheureux aveugle, qui reçut silencieusement le baiser d’adieu ; elle murmura quelques paroles enchanteresses à son oreille, et se dirigea ensuite, en pleurant et en sanglotant, vers la porte de la chambre. Là elle retourna la tête et poussa un cri déchirant tandis qu’elle cherchait à rentrer dans la salle, et luttait contre le sergent, qui, cette fois, lui opposa une résistance invincible. La jeune fille vit dans un coin son amant agenouillé sur le sol, la tête affaissée sur le banc comme si la vie l’eût abandonné. Cette vue la saisit tellement que, toute frémissante d’angoisse et de douleur, elle se tordit avec une sorte de rage pour échapper aux mains du sergent ; mais celui-ci la poussa en avant et ferma la porte de la salle.

Lasse, exténuée, mourante de désespoir, docile comme une martyre et presque insensible, Trine, placée entre