Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/265

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déjà remercié pour le bienfait reçu. Elle prit Trine par les deux mains, la releva et lui dit d’une voix douce :

— Pauvre fille ! Entrez, ma chère enfant. Qu’est-ce qui vous attriste ainsi ?

En disant ces mots, et sans faire attention au sergent qui portait respectueusement la main à la visière, elle introduisit la jeune fille chez elle et la fit asseoir sur une chaise.

Dans la chambre se trouvait un officier de chasseurs occupé à écrire sur un pupitre ; il leva la tête avec un intérêt curieux et considéra la jeune fille en larmes ; mais il demeura immobile et attendit une explication.

La dame, — c’était sa femme, — prit la jeune fille par la main :

— Allons, allons, ma fille, lui dit-elle, consolez-vous ; il ne vous arrivera aucun mal. Dites-moi ce qui vous chagrine si fort ; je vous aiderai, si c’est possible.

— Ah ! madame ! s’écria Trine en baisant ardemment la main de sa protectrice. Dieu vous bénira pour votre bonté ! Je suis une pauvre paysanne d’entre Saint-Antoine et Magerhal, dans la Campine. Notre Jean est tombé au sort, et il est devenu soldat. Il y a quatre jours, il a écrit une lettre à sa mère pour lui dire qu’il avait mal aux yeux ; mais à moi seule il a écrit qu’il est aveugle pour la vie. J’en ai été comme morte pendant au moins deux heures, sous un petit bois de chênes ; mais je n’ai pas osé dire la chose à sa mère de peur qu’elle n’en meure de chagrin. Le lendemain matin, je suis partie pieds nus sans savoir par où je devais aller pour venir de notre village à Venloo ; j’ai couru demandant mon chemin,