Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/267

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quitté son pupitre, et s’était lentement approché d’elle.

— Pauvre enfant ! dit la dame en soupirant, il faut chasser ces idées-là de votre esprit et vous consoler de son malheur. Vous ne pouvez certainement continuer d’aimer un homme aveugle !

Trine frémit douloureusement.

— L’abandonner ! s’écria-t-elle, l’oublier parce qu’il est aveugle et malheureux pour toute sa vie ! Oh ! madame, je vous en prie, ne dites plus cela ; ça me fait comme un coup de couteau dans le cœur !

En effets un torrent de larmes s’échappa de nouveau de ses yeux.

L’officier échangea quelques mots français avec sa femme. Il lui dit qu’il venait d’arriver un ordre ministériel conférant aux colonels le pouvoir de renvoyer dans leurs communes les soldats aveugles avec un congé illimité, jusqu’à ce qu’une libération définitive du service leur fût délivrée. Bien que cette mesure ne dût être mise à exécution que dans une couple de semaines, l’officier se montra disposé à tenter un effort auprès du colonel et de ceux que la chose concernait, afin d’obtenir le jour même, par exception, un permis de départ pour le malheureux ami de la paysanne. Sa femme l’engagea vivement à exécuter son projet. Bien que Trine ne comprît pas ce qui se disait, elle vit bien que sa protectrice excitait son mari à quelque chose de favorable pour elle ; la jeune fille, à demi consolée, fit un signe de tête suppliant, comme pour encourager la généreuse tentative.

L’officier se tourna vers elle :