Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/269

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— Il y a longtemps, sans doute, que vous n’avez mangé ?

— Depuis ce matin à trois heures, madame, dit Trine en mangeant avec une faim trop réelle. J’ai bien marché pendant sept heures depuis ; mais maintenant je remercie encore le bon Dieu dans mon chagrin de ce qu’il vous a faite si bonne, madame.

Trine exprima longuement sa reconnaissance, et longtemps encore la généreuse dame la consola par de douces et bienveillantes paroles, car l’officier demeura absent pendant deux heures au moins. Déjà Trine avait raconté toute son histoire, et parlé avec effusion de cette Campine si belle et si aimée, où l’esprit et le cœur sont purs comme l’air des landes sablonneuses, où chaque sentiment de l’âme s’embaume d’un parfum de simplicité et de droiture, comme la bruyère éternellement fleurie se baigne chaque jour dans les vapeurs balsamiques du matin…

La dame écoutait avec un vif intérêt cette jeune paysanne, dont le langage, tout naïf et sans art qu’il fût, trahissait une intelligence délicate et un cœur richement doué. Plus d’une fois Trine avait touché son âme et mouillé ses yeux de larmes d’attendrissement.

Pendant qu’elles attendaient en s’entretenant de la douce et pure vie des champs, l’officier s’était rendu avec le sergent à la salle des aveugles. Après être demeuré un instant parmi ces infortunés, il redescendît l’escalier et reparut dans la cour. Jean le suivait, le sac sur le dos et un bâton de voyage à la main ; le sergent le conduisit jusqu’à la porte de la maison de l’officier.