Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/271

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merie accompagnés des souhaits de leurs bienfaiteurs.

C’était un étrange spectacle que celui de cette fraîche paysanne guidant par la main le soldat aveugle dans les rues de Venloo. Aussi chaque passant s’arrêtait-il frappé non pas tant par la vue du malheureux qui, le sac sur le dos et la visière verte devant les yeux, marchait à côté de la jeune fille, que par l’indéfinissable expression d’orgueil et de joie qui donnait au visage de la paysanne une noblesse et une beauté singulières.

La bonne Trine était si heureuse, si fière du résultat de son dévouement et de sa hardiesse, qu’elle marchait la tête haute et la physionomie radieuse, sans songer à baisser les yeux sous le regard curieux des citadins.

Elle avait grande hâte de quitter la ville et excitait l’aveugle à marcher vite. Le triomphe inattendu qu’elle avait remporté l’avait surprise et étonnée. Même à cette heure elle pouvait à peine y croire, et, de temps en temps, un frisson passager lui serrait le cœur comme si elle eût craint qu’on pût encore lui ravir son amant infortuné.

Elle atteignit enfin la porte de la ville ; elle vit la campagne s’ouvrir devant elle, et le lointain horizon, et le chemin qui devait les ramener au village natal. Pour la première fois, un vrai cri de triomphe s’échappa de sa poitrine. Elle leva au ciel des yeux reconnaissants, fit le signe de la croix, et dit avec un doux ravissement :

— Allons, maintenant, Jean ! maintenant, nous sommes libres !