Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

V


Il faisait encore une chaleur suffocante, bien que l’ombre des arbres s’allongeât déjà notablement sur le sol ; les vapeurs diaphanes de l’été ondoyaient sur la bruyère et sur les champs ; pas le moindre souffle ne murmurait dans le feuillage immobile sous lequel s’abritaient les oiseaux haletants et muets ; toutes les voix de la nature se taisaient ; aussi loin que portait la vue, on n’apercevait ni hommes ni animaux : la terre semblait assoupie de lassitude.

Au bord d’un chemin solitaire, ombragé par un bouquet de chênes, gisait, la tête appuyée sur son sac, un soldat endormi. Ses pieds étaient nus : les souliers se trouvaient à côté.

Une jeune paysanne, assise tout auprès, fixait sur lui son regard plein de tristesse, et, gardant le plus profond silence, écartait les mouches, avec une branche de bouleau, de son visage et de ses pieds.

Le soldat reposait sur un lit de thym sauvage dont le parfum l’enveloppait d’un nuage odorant. La campanule des champs courbait ses clochettes bleues sur son front ; plus bas, à ses pieds, la gentiane élevait vers lui son splendide calice d’azur.

Assurément, il avait déjà goûté un long repos, car sa compagne regardait souvent le soleil avec une certaine inquiétude, comme si elle eût voulu mesurer par la marche de l’astre combien le jour était avancé. Peut-être aussi son inquiétude venait-elle d’une autre cause.