Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/273

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Et cependant elle remarquait avec tristesse que le soleil avait tourné les chênes, et que déjà quelques rayons dardaient sur le corps du dormeur. Sa perplexité était grande ; elle se leva et promena les yeux autour d’elle. Elle songea d’abord à courber les branches du taillis et à les entrelacer ensemble pour protéger le repos du soldat ; mais ce moyen fut infructueux parce que la lumière frappait directement et de côté le bord du chemin.

Avec le plus grand silence et à pas de loup, la jeune fille se glissa dans le bosquet et y coupa avec un couteau deux bâtons. Elle vint se placer devant le soldat, contempla le soleil comme pour calculer son dessein, et enfonça en terre les bâtons. Elle dénoua le cordon de sa ceinture, et suspendit au dessus son tablier, qui couvrit le visage du soldat d’une ombre suffisante ; elle revint ensuite avec une expression de satisfaction, s’asseoir auprès de lui.

Pendant quelque temps encore elle épia son repos et écouta sa respiration comme si elle s’efforçait de compter les battements de son cœur. Elle ne pouvait voir ses yeux, car ceux-ci étaient cachés sous une visière verte.

Enfin, le soldat fit un mouvement ; il tâtonna avec angoisse autour de lui, tendit les mains en avant, et s’écria d’une voix inquiète :

— Trine ! Trine, où es-tu ?

La jeune fille saisit sa main, et répondit :

— Me voici, Jean ! Calme-toi. Tu trembles ? Qu’as-tu ?

— Ah ! j’ai rêvé que tu m’avais abandonné ! dit le jeune homme en se levant. Dieu, quel rêve ! J’en ai encore une sueur froide…