Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/274

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— Quelles idées sont-ce là ! répliqua la jeune fille d’un ton de doux reproche. Tant mieux si tu as rêvé cela, Jean ; c’est un signe certain que je ne te quitterai jamais : les songes ne doivent-ils pas toujours, s’expliquer par le contraire ?

— C’est vrai, ma bonne amie, dit le soldat en étreignant ses deux mains. Dieu te récompensera dans le ciel !

Sur ces entrefaites, la jeune fille avait débouclé les courroies du sac et en avait tiré un pain et de la viande. Elle se mit à couper le pain en petits morceaux, rangea ceux-ci sur le thym, et plaça sur chacun un peu de viande.

Ce faisant, elle disait d’une voix douce :

— Comment vas-tu, maintenant, Jean ? Es-tu reposé ? Le sommeil t’a-t-il soulagé ?

— Je ne suis plus fatigué, Trine, répondit-il ; mais je ne sais pas… je suis si triste de ce vilain rêve…

— Cela se passera, Jean : ça vient de ce lourd sommeil par terre… Voilà la table mise ; veux-tu manger ?

— Oui, j’ai faim, Trine.

La jeune fille lui mit en main l’un après l’autre les morceaux de pain et de viande. Tandis qu’il prenait silencieusement la nourriture qu’elle lui présentait, elle considéra son visage avec plus d’attention, et y remarqua une singulière expression de découragement et d’affliction. Toujours dans la pensée que la pesanteur du sommeil était l’unique cause de cette visible tristesse, elle ne fit aucun nouvel effort pour rasséréner son âme. Dès qu’elle lui eut tendu les derniers morceaux de pain,