Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/275

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elle lui remit ses bas et lia ses souliers. Le soldat prit le sac pour le charger sur son dos ; mais la jeune fille le lui enleva.

— Non, Trine ; laisse-moi le porter, maintenant, dit-il d’une voix suppliante ; tu te fatigueras beaucoup trop. Et puis ce n’est pas bien non plus qu’une fille aille le sac sur le dos par les chemins : ça doit déjà être assez singulier de voir une paysanne voyager dans la Bruyère avec un soldat aveugle. Qu’est-ce que les gens doivent penser ?

— Que nous font les gens ? Toi qui ne vois pas, tu te fatigues cent fois plus que moi ; tu trébuches presque à chaque pas ! Moi, le sac ne me gêne pas.

Elle replaça elle-même le sac sur son dos, et, prête à partir, ramena le soldat au milieu du chemin. Elle lui mit en main un bâton dont elle tint l’autre bout sur son dos, afin que le pauvre aveugle pût suivre exactement ses pas, et marchant en avant, elle lui dit :

— Maintenant, Jean, si je vais trop vite, il faut le dire, et causons un peu en route, ça rendra le chemin plus court.

Comme elle ne recevait pas de réponse, elle se retourna, tout en marchant, vers le jeune homme, et reprit :

— Jean, il ne faut pas laisser pendre ta tête comme ça ; cela fatiguera ta poitrine.

L’aveugle releva la tête sans mot dire ; mais au troisième pas, il la laissa de nouveau pencher peu à peu en avant. Il était visiblement absorbé par de sérieuses réflexions et peut-être par de tristes pensées ; cette dernière