Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/28

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ment accosté par une autre personne qui paraissait appartenir, comme lui, à la classe ouvrière, et qui lui frappa sur l’épaule en disant :

— Hé bien, François, que dis-tu de ce petit temps ? Il fait froid, hein ? Viens-tu avec moi ? Je paie une goutte.

L’ouvrier désolé secoua vivement l’épaule sur laquelle s’était posée la main de son ami, et ne répondit rien. L’autre, s’étonnant, le regarda en face et remarqua combien ses yeux étaient égarés.

— François, s’écria-t-il, qu’as-tu, mon ami ?

La réponse se fit encore attendre, et les deux dames eurent le temps de se rapprocher un peu pour mieux entendre ce qu’allait dire celui qu’elles présumaient être malheureux.

Une voix sourde, entrecoupée par de longues aspirations et trahissant une émotion profonde, répondit enfin :

— Vois-tu, Grégoire, tu me parles de goutte, hein ? Mais j’aimerais mieux mourir que boire un verre de genièvre ! Si tu savais, mon garçon, quel chagrin j’ai…

Ces paroles furent dites avec tant de tristesse que Grégoire se sentit tout ému et quitta son ton léger pour parler plus sérieusement ; il saisit la main de son infortuné camarade et dit presque en pleurant :

— François, mon ami, qu’y a-t-il ? On dirait que tu vas mourir. Thérèse est-elle morte ?

— Non, non ! Mais je vais tout te dire à toi, car tu es notre ami. Tu le sais, n’est-ce pas, Grégoire, je n’ai jamais été assez paresseux pour ne pas chercher à ga-