Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/29

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gner mon pain, et grâces à Dieu, jusqu’ici j’avais su le gagner ; mais c’est fini maintenant. Ma Thérèse, la pauvre chère femme, n’a rien mangé depuis deux jours ; noire petit Jean se tord de faim, et la petite Mariette est morte peut-être à l’heure qu’il est. Le sein de sa mère s’est tari de froid et de privations. Vois-tu, Grégoire, quand j’y pense, je suis capable de me tuer. Pourrais-tu aller mendier, Grégoire ?

— Mendier ? non certainement : j’ai encore des mains au bout des bras.

— Eh ! moi aussi ! Mais c’en est venu si loin que nous avons vendu ou mis en gage tout ce que nous possédions, excepté le bac à moules que voilà. Nous avions tant économisé et mangé si longtemps un pain amer pour l’acheter ! Mais enfin, puisque Dieu le veut, qu’il en soit ainsi ! Pourvu seulement que le crieur vienne bientôt par ici et que je puisse porter du pain à ma femme et à mes enfants…

— Le voilà… Dis-moi, François, demeures-tu toujours dans la rue de la Boutique ?

— Oui !

En cet instant le crieur s’installa avec sa chaise à la place où se trouvait le pauvre ouvrier, et se mit à crier à pleins poumons :

— Acheteurs, par ici ! Acheteurs de bacs à moules, par ici !

Un sourire passa sur le visage de l’ouvrier. Les deux amies s’entretenaient à voix basse d’une chose qui semblait les mettre en joie.

Le crieur reprit :