Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/283

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qui voulaient refuser l’offre séductrice, mais la jeune fille dit d’un ton impératif :

— Jean, nous ne pouvons rester assis ici ; il faut partir. Il fera déjà noir avant que nous arrivions à la ferme où j’ai dormi il y a quatre jours. Lève-toi, et allons joyeusement en avant. Je ne veux plus entendre un mot de cette affaire : ce qui est dit est dit. Parlons d’autre chose.

Elle chargea le sac sur son dos, tendit le bâton à Jean, et tous deux silencieux, mais l’âme joyeuse, poursuivirent leur route à travers la bruyère.

VI


Le lendemain, au point du jour, Trine se remettait en route, le sac sur le dos et le soldat aveugle derrière elle.

Le gazon qui bordait le chemin et les brins de bruyère étincelaient sous les premiers feux du soleil comme s’ils eussent été semés de diamants, et les aiguilles des sapins, humides de rosée, semblaient couvertes d’argent mat. À l’orient, l’horizon se teignait de pourpre et d’or ; dans le lointain, sur la lisière du bois, les vapeurs nocturnes s’élevaient, flottant entre la terre et le ciel. Le chœur des oiseaux était éveillé et remplissait l’air d’une pluie de notes joyeuses ; l’industrieuse abeille voltigeait en chantant sur le thym fleuri ; hannetons, papillons, cigales, voletaient et folâtraient à la ronde ; tout souriait au lever de ce beau jour, tout saluait le retour de la lumière renaissante !