Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’excellente jeune fille se trouvait aussi, sans le savoir, à l’unisson des joies de la nature. De temps en temps, elle chantait d’une voix enthousiaste quelques mots d’une chanson quelconque, ou balbutiait des paroles sans suite pour donner issue à la joie qui gonflait son cœur. Depuis longtemps déjà, le soldat marchait gardant le silence, il le rompit enfin :

— Chère Trine, comme tu es gaie ! C’est sans doute parce qu’il va faire beau. Je ne puis rien y voir, mais j’entends les oiseaux dire bonjour au soleil et les abeilles bourdonner joyeusement à mes pieds.

— Non, Jean, ce n’est pas pour cela, répondit la jeune fille en lui prenant la main ; approche-toi un peu ; j’ai quelque chose à te raconter. Ce n’est qu’un rêve, et je l’avais pour ainsi dire tout à fait oublié ; mais depuis que je suis bien éveillée, il m’est revenu clairement en mémoire. C’est bien bon de rêver, n’est-ce pas, Jean ?

— Quelquefois !

— Oui, mais je veux parler des beaux rêves. Je n’ai jamais été plus heureuse que cette nuit en dormant ; je ne donnerais pas mon rêve pour vingt couronnes, et c’est pourtant terriblement d’argent. C’est bien dommage, Jean, que les songes ne soient pas des vérités !

— Qu’as-tu donc rêvé de si beau, Trine ?

— Tu y es pour quelque chose, Jean, comme tu le penses bien. Oh ! c’est si beau ! écoute plutôt. La fermière, — que Dieu l’en récompense, la brave femme, — m’avait menée coucher dans une toute petite chambre. Quand je fus seule, j’allai m’agenouiller et prier devant la sainte Vierge qui se trouvait sur la cheminée.