Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/285

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Je ne sais combien de temps je suis restée, à genoux ; mais, quand je me levais, la tête me tournait et j’étais presque hors de moi : cela me semblait ainsi du moins. Cependant, la lune s’était levée et brillait si claire à travers la petite fenêtre que la chambre en était toute bleue et toute drôle. Je posai le front contre les carreaux pour me rafraîchir le cerveau, et je me jetai ensuite sur le lit à demi vêtue pour être prête, de bonne heure le lendemain. Mais je ne pus dormir ; car la lune donnait justement dans mes yeux, et j’étais comme forcée de regarder l’homme au fagot qu’on y voit[1]. Me suis-je endormie enfin, je ne puis le dire ; mais cela doit être, car écoute ce qui m’est arrivé. Tout d’un coup, la lune eut une bouche et de magnifiques yeux bleus ; elle prit des couleurs comme une pomme d’api, et me sourit avec tant de bienveillance que je m’en sentis tout émue. De ma vie, je n’ai vu une femme aussi belle et aussi aimable ; s’il s’en trouvait une pareille au monde, les hommes se mettraient sûrement à genoux devant elle. Je le crois bien qu’ils le feraient ! mais écoute. Peu à peu, la lune eut des bras et une longue robe avec de grandes fleurs d’or ; sur sa tête se posa une couronne d’argent avec sept étoiles brillantes ; sur son bras, elle portait un enfant plus beau que les petits anges du paradis. Mon Dieu, Jean, c’était la sainte Vierge de la cheminée, devenue vivante, et qui, Notre-Seigneur, dans les bras, me souriait du haut du ciel et me faisait signe… Et puis, ce fut plus beau encore ! Comment étais-tu

  1. C’est ce que prétendent les paysans flamands.