Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/286

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venu dans ma chambre, je n’en sais rien ; mais tu étais assis sur une chaise auprès de la fenêtre, et, avec tes yeux aveugles, tu regardais aussi la sainte Vierge ; tous deux nous tombâmes à genoux et tendîmes les bras vers la fenêtre, comme si nous eussions appelé la Mère de Dieu. Tout d’un coup, elle descendit doucement, s’approcha de plus en plus, et, passant à travers les carreaux, arriva jusque dans la chambre. Elle dit quelque chose au petit Jésus, l’enfant posa le doigt sur tes yeux, et toi, Jean, tu poussas un cri de joie en disant : Je vois ! je vois ! Hélas ! j’en fus tellement frappée que je m’éveillai en sursaut et tombai à bas du lit… et ce n’était pas vrai ! Ce n’était qu’un rêve ; car la lune brillait encore au ciel avec l’homme dedans, et la sainte Vierge était tranquille et immobile sur la cheminée… N’est-ce pas un beau rêve, pourtant ?

La jeune fille se tut et attendit une réponse. Jean dit au bout d’un instant :

— Trine, comme tu sais bien raconter ! Mon cœur palpitait de joie pendant que tu parlais ; je croyais tout voir ; et quand tu as dit que Notre Seigneur me touchait les yeux, j’ai senti quelque chose que je ne puis dire ; et puis j’ai vu la sainte Vierge, mais si bien vu que je pourrais dessiner sur le sable les fleurs d’or qui brillaient sur sa robe !

— Quelles fleurs y as-tu vues, Jean ?

— De grandes roses…

— Moi aussi ; c’est surprenant !

— Et des lis comme il y en avait tant, l’année dernière, dans le jardin du brasseur.