Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/290

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Elle détachait déjà du sac la gamelle de fer-blanc ; mais le soldat reprit :

— Non, Trine, ce n’est pas pour cela. Mes yeux me font bien mal : donne-moi un peu d’eau et un linge pour les laver ; cela me soulagera tant !

La jeune fille entra dans le ruisseau et remplit la gamelle de l’eau la plus limpide ; elle revint à l’aveugle, tira de son sein un linge blanc, et lui dit :

— Assieds-toi et laisse-moi laver tes yeux, autrement tu rempliras d’eau tes habits.

Le soldat obéit et s’assit sur le gazon en tournant le dos au soleil. Trine ôta de son front la visière verte et se mit à rafraîchir ses yeux avec le linge mouillé, et comme le soldat disait en ressentir un grand bien, elle ne s’en tint pas là et lava son front et son visage, lorsque Jean repoussa doucement sa main en disant :

— Assez, Trine, assez !

Et comme elle s’écartait de quelques pas pour reprendre la visière, l’aveugle bondit soudain, poussa un grand cri, et, les mains tendues vers son amie, resta debout, tremblant de tous ses membres, tandis que des sons inintelligibles s’échappaient de sa bouche.

— Mon Dieu, Jean, qu’as-tu ? s’écria la jeune fille en courant à lui avec une exclamation d’effroi.

Mais lui, comme égaré, la repoussait doucement et disait d’une voix suppliante :

— Trine, Trine, va-t’en !… plus loin ! à la même place ! Oh ! je t’en prie !

Surprise du ton de sa voix et de la joie incompré-