Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hensible qui illuminait ses traits, elle condescendit à la prière de l’aveugle et se plaça à quelques pas de lui. Jean ouvrit ses yeux éteints, et levant les bras au ciel :

— Trine !… mon Dieu !… je t’ai vue !… Mon œil gauche n’est pas tout à fait mort !

Comme si elle eût été frappée de la foudre, la jeune fille fut saisie d’un tremblement fébrile ; elle s’approcha du soldat d’un pas chancelant et s’écria :

— Non, non, Jean, ce n’est pas vrai ! Ne me fais pas mourir de joie ! La lumière du soleil t’a trompé, pauvre garçon !

— Je t’ai vue ! criait le soldat hors de lui de joie ; dans les ténèbres, comme une ombre ! Mon œil gauche n’est pas mort, te dis-je. Chère Trine, c’est ton rêve de cette nuit !

Un cri perçant s’échappa du sein de la jeune fille, qui s’affaissa toute frémissante sur ses genoux, et, les mains tendues vers le ciel, murmura une douce prière de remerciement. Le soldat la vit, bien qu’indistinctement et comme une forme indécise ; il se laissa tomber à genoux auprès d’elle.

Trine, absorbée par son extatique action de grâces, ne le remarqua pas, et demeura quelques instants dans une complète immobilité. Enfin, calmée par la prière même, elle tourna la tête et s’écria :

— Ciel ! tu as vu ce que je faisais ?

— Je l’ai vu ! dit Jean avec transport.

— Ah, bonne Vierge ! s’écria Trine en fondant en larmes, sainte Mère de Dieu, c’est vous qui l’avez fait !