Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/292

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Je ne l’oublierai jamais, jamais ! et tous les ans j’irai pieds nus en votre honneur à Montaigu[1].

Après cette fervente aspiration de gratitude, ses forces parurent l’abandonner. Elle appuya le bras sur l’épaule de Jean, cacha son visage sur le sein du soldat, et se mit à pleurer silencieusement. Le jeune homme n’était pas moins ému qu’elle ; à lui aussi les paroles manquaient pour exprimer tous les sentiments qui débordaient de son cœur. Tout un avenir de reconnaissance, d’amour et de félicité s’était ouvert devant lui et le ravissait dans la contemplation de la vie bienheureuse qui lui était promise.

Enfin Trine se leva et renoua, avec mille exclamations joyeuses, la visière verte devant les yeux de son ami, elle mit le sac sur son dos, prit le jeune homme par la main, et tous deux se remirent en route d’un pas léger, tandis que la jeune fille exprimait son bonheur par ces paroles :

— Ô cher Jean, je ne sais ce que j’ai, mais je voudrais danser et sauter de joie : maintenant je marcherais vingt heures encore sans ressentir de fatigue.

— Moi aussi, Trine, répondit le soldat ; il me semble que je pourrais voler ! Ô mon amie, si mon œil gauche pouvait être guéri ! quel bonheur, quel bonheur ! Mon cœur bat quand j’y pense.

— Guérir ? tu guériras ! la sainte Vierge y veillera dans le ciel… Ne vois-tu pas que la main de Dieu s’en mêle ? et mon rêve de cette nuit !

— Chère Trine, chère Trine ! s’écria le jeune homme

  1. Lieu de pèlerinage très-fréquenté dans la province d’Anvers.