Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/298

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Lorsqu’il entendit derrière lui le bruit des deux voyageurs, il se retourna et reconnut à travers le feuillage un soldat et une jeune paysanne avec un sac sur le dos. Cette vue le surprit d’abord ; mais il s’en rendit compte en pensant que c’était une sœur qui reconduisait son frère à la maison paternelle et qui, par amitié, avait débarrassé ses épaules de leur fardeau. Néanmoins il admira cette simple et naïve preuve d’affection, et un sourire de sympathie éclaira sa physionomie, tandis que son regard demeurait fixé sur les voyageurs au repos.

Sur ces entrefaites, Trine s’était assise auprès de l’aveugle et lui disait :

— Jean, comme tu es muet et triste ! Qu’est-ce qui te tourmente ? La fatigue, n’est-ce pas ? Cela se passera.

Ne recevant pas de réponse, elle reprit d’une voix plus douce :

— Ah ! mon ami, console-toi et songe que demain nous serons à la maison. De Venloo ici, il y a vingt lieues au moins… Trois petites lieues encore, et nous verrons notre village. Si nous pouvons partir demain matin, nous ferons ce court chemin tout en nous promenant. Nous avons pourtant bien des raisons encore d’être contents ; car c’est toujours un grand bonheur que j’aie pu te ramener de l’hôpital chez nous. Et pour le reste, je ferai en sorte que tu n’aies pas grand chagrin en ta vie… Pourquoi ne dis-tu pas un seul mot ?

Le jeune homme respira avec effort et répondit en soupirant :

— Mon cœur bat si singulièrement ! mes yeux me font si mal… laisse-moi en repos !