Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/300

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— Jean, mon ami, qu’as-tu ? tu deviens si pâle !

Le jeune homme murmura d’une voix éteinte :

— Ah ! je n’en sais rien… mon cœur s’en va… c’est comme si j’allais mourir…

Un frisson, lugubre avant-coureur, parcourut ses membres, sa tête tomba inanimée sur son épaule, ses bras s’affaissèrent le long de son corps sur le gazon.

Trine, poussant des gémissements inarticulés, prit dans ses mains les joues décolorées du soldat et voulut lui soulever sa tête en s’écriant avec un accent désespéré :

— Jean, Jean ! oh le pauvre garçon, est mort ! De l’eau, de l’eau ! Au secours, au secours !

Ce disant, elle se releva, regarda autour d’elle comme une insensée, et courut de çà, de là, pour découvrir de l’eau. Elle remarqua, au détour du coin de la haie, une barrière ouverte qui donnait accès dans le jardin, au bout duquel s’élevait une habitation. Cette vue lui arracha un cri de joie, et elle se mit à courir de toutes ses forces vers la maison pour y demander aide.

Perdue dans les capricieux sentiers du parterre, elle approchait du seuil lorsqu’elle vit deux personnes le franchir et s’acheminer vers elle. L’une était un vieux monsieur à la chevelure argentée et dont la physionomie vénérable inspirait le respect ; l’autre, âgé aussi, paraissait encore fort et robuste. Une large balafre, semblable à la cicatrice d’un coup de sabre, sanglait son visage du front jusqu’au menton et donnait à ses traits, une certaine expression de dureté. Il portait une cruche, deux bouteilles et un peu de linge. À coup sûr, ce devait