Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/302

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— Oui, monsieur, dit la jeune fille en pleurant ; il est aveugle et ne peut pas bien marcher parce qu’il ne voit pas devant lui. Nous étions pressés ; je suis forte et bien portante… Dieu ! voyez, le voilà, ce pauvre ami ! aussi blanc qu’un mort !

Un torrent de larmes s’échappa de ses yeux ; elle joignit les mains et s’écria d’une voix navrante et pleine de supplication :

— Il n’en mourra pas pourtant, n’est-ce pas, monsieur ? Le vieillard secoua la tête en souriant, et s’approcha du malade. Le domestique posa les bouteilles à terre, et, sans attendre d’ordre, souleva d’une main la tête du soldat, tandis que de l’autre il dénouait sa cravate et ouvrait sa veste sur la poitrine. Entre temps, le vieillard était occupé à laver le visage et les tempes du jeune homme.

Trine, à genoux, contemplait d’un œil fixe et plein de larmes les soins que les deux inconnus prodiguaient à son malheureux ami.

Elle s’apercevait qu’ils devaient être accoutumés d’avoir affaire aux malades et ne doutait pas que le vieillard ne fût un médecin.

Cette pensée la consola et lui donna du courage ; un sourire étrange où se confondaient la reconnaissance et une attente pleine d’angoisse, anima son visage et brilla à travers ses pleurs. Sa surprise augmenta quand elle entendit ces paroles :

— Major, disait le domestique, c’est comme à Sabiana de Alba, en Espagne. Mon cœur bat encore quand j’y pense !