Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/303

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— Notre pauvre ami le capitaine Steens, n’est-ce pas ? répondit le vieillard avec un soupir… L’évanouissement est profond !… donne-moi la petite bouteille.

— Oui y il me semble le voir encore… Le capitaine était aussi comme ça, adossé à un citronnier ; il a laissé ses os à Vittoria, le brave homme ! C’était là une vie : on hachait, on taillait, on coupait, on tapait ! Nous en avons relevé et pansé quelques-uns ce jour-là ! J’avais du sang de la tête aux pieds, et vous aussi, major !

— Le cœur se ranime… il reviendra bientôt à lui.

Le domestique souleva avec le doigt les paupières du jeune homme et dit :

— Il est aveugle ! C’est la vieille maladie des soldats. Nous connaissons cela. Mais voyez donc l’œil gauche, major ; il n’est pas encore tout à fait perdu, il me semble ?

La jeune fille jeta un cri de joie. Elle avait épié le retour de la vie sur le pâle visage de son ami et avait vu avec un battement de cœur une légère rougeur colorer ses joues… Il avait fait un mouvement !

Bientôt l’aveugle, ayant repris tout à fait connaissance, tâta les vêtements de ceux qui le soignaient et dit avec anxiété :

— Où suis-je ? que m’est-il arrivé ?

Et étendant la main autour de lui, il s’écria d’une voix plaintive :

— Trine, chère Trine, où es-tu ?

La jeune fille saisit ses mains en poussant une joyeuse exclamation :

— Oh ! Jean, remercie Dieu de ce que tu es tombé ici !