Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/304

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C’est un grand bonheur. De braves gens sont auprès de toi ; ils disent que ton œil gauche n’est pas encore mort.

— Qui que vous soyez, que Notre Seigneur vous bénisse pour votre compassion ! murmura le jeune homme.

— Camarade, dit le domestique en l’interrompant, essayons si nous pouvons nous tenir debout. Ayons bon courage, et ce sera bientôt fait.

Il prit le soldat sous le bras gauche, tandis que le vieux monsieur le soutenait de l’autre côté ; ils aidèrent ainsi à eux deux l’aveugle à se mettre sur pieds.

Trine, s’imaginant que la bienveillance des inconnus s’arrêterait là, sourit avec une angélique douceur et les yeux humides, les remercia en ces termes :

— Messieurs, je suis une pauvre paysanne, et Jean n’est pas riche non plus ; mais soyez sûrs que pendant notre vie entière nous nous souviendrons de vous dans nos prières et nous bénirons votre bonté. Ne vous donnez pas plus de peine ; laissez-le s’asseoir sur l’herbe, il se reposera un peu. Je lui mettrai moi-même du linge autour des pieds. Il nous faut aller jusqu’au village ; nous y passerons la nuit. Que Dieu vous donne santé et bonheur sur la terre, et plus tard les joies du paradis !

— Non pas ! non pas ! répondit le vieillard ; suivez-moi. Vous êtes de braves gens ; je ne veux pas que vous repreniez votre fatigant voyage. Le jeune camarade ne partira pas sans s’être réconforté. Nous verrons si je ne puis rien faire pour récompenser votre généreux dévouement, mon enfant,

— Nous avons encore quelques bouteilles de vieux vin