Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/305

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d’Espagne qui ferait revenir un mort, ajouta le domestique. C’est la seule médecine dont il ait besoin. Attendez un peu, ma fille ; dans une heure, vous ne le reconnaîtrez plus.

— Oh ! messieurs, murmura la jeune fille, faites ce que votre âme chrétienne vous inspire ; quand je vois votre bonté, l’émotion me coupe la parole. Soyez mille fois bénis, mes chers bienfaiteurs !

Soutenu de chaque côté par le vieux monsieur et le domestique, Jean se mit à marcher d’un pas lourd. En arrivant dans le jardin, la jeune fille se rapprocha peu à peu du domestique et lui demanda à voix basse :

— Dites-moi, mon ami, votre maître est-il docteur ?


— Docteur ? répondit le domestique. Il a été chirurgien-major sous Napoléon ! Nous avons coupé plus de jambes et de bras que ce chemin n’en pourrait tenir, et ce n’est pas peu dire.

— Sait-il aussi guérir les yeux, mon ami ?

— Oui, oui, et un peu mieux, s’il vous plaît, que les chirurgiens d’à présent. Il reste diablement peu des braves camarades d’Espagne ; sans cela, il y en a joliment qui lui devraient la vue.

— Ah ! mon brave homme, vous devriez le prier bien humblement qu’il voie un peu les yeux de Jean. Dieu sait s’il ne saurait pas le guérir.

— Laissez faire, ma fille, il le fera bien de lui-même. Les soldats lui tiennent encore au cœur, Jean ne partira pas d’ici de sitôt.

— Si vous pouvez aider à la chose, mon ami, ou dire