Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/306

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seulement une bonne parole, je vous serai bien reconnaissante.

— Il est inutile de me le demander ; cela ne dépendra pas de moi : qui dit soldat dit camarade, vous savez le proverbe. Voyez, cela va déjà beaucoup mieux ; je ne le soutiens presque plus.

Ils étaient sur le seuil de la maison ; bientôt ils entrèrent dans une chambre garnie de jolis meubles. Le vieillard conduisit l’aveugle vers un large fauteuil et l’y fit asseoir le dos au jour. Il tendit une clef au domestique, qui s’empressa de quitter la chambre tout content, et revint bientôt après avec une bouteille et deux verres. En passant il chuchota à l’oreille de la jeune fille :

— C’est de ce vin qui réveillerait les morts ; vous allez voir.

Trine ne comprit pas ce qu’il voulait dire : elle regarda avec une vive curiosité le vieux médecin, qui portait aux lèvres du jeune homme un verre rempli d’une liqueur rouge et transparente.

— Buvez cela à petits traits, mon ami, dit-il ; cela vous restaurera miraculeusement.

— Mon Dieu ! qu’est-ce que cela ? s’écria l’aveugle stupéfait, après avoir goûté quelques gorgées de la bienfaisante liqueur… Cela me réchauffe si bien en dedans ! Merci, merci… J’ai faim !

— Déjà, camarade ? N’allons pas si vite, répliqua le vieillard. Pansons votre pied d’abord, puis nous verrons les yeux. Venez donc, ma fille ; j’allais vous oublier, ma chère enfant. Asseyez-vous sur cette chaise ; et toi, Karel, donne-lui un verre de vin.