Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/307

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Tandis que le domestique était occupé à parler à Trine et à lui prôner la merveilleuse vertu du vin d’Espagne, le vieillard avait entouré d’une bande le pied du jeune homme. Il lava ensuite ses yeux avec une certaine liqueur, et les enduisit d’une pommade blanchâtre. Cela fait, il alla aux fenêtres, en ferma les rideaux pour adoucir la lumière dans la chambre, se rapprocha du soldat et lui dit :

— Ouvrez les yeux, mon ami, et essayez si vous ne pourrez rien distinguer…

Jean ouvrit les yeux et demeura quelque temps sans parler, bien que le vieillard lui demandât ce qu’il éprouvait. Ses yeux éteints semblaient chercher quelque chose.

Tout à coup un cri aigu s’échappa de sa poitrine ; il se leva et marcha, les mains étendues, vers la jeune fille, qui, debout et tremblant d’un fiévreux espoir, le voyait s’approcher. Elle voulut courir dans ses bras, mais le domestique la retint »

L’aveugle s’arrêta devant elle, lui tendit la main d’un mouvement incertain, et dit d’une voix frémissante :

— Trine, Trine, je ne suis pas aveugle ! C’est bien vrai cette fois-ci ! Je reverrai encore ma mère, le grand-père et Paul ! Ah ! je vois que tu as ton mouchoir rouge.

La jeune fille l’embrassa en balbutiant des paroles inintelligibles qui ressemblaient plutôt à des gémissements qu’à des cris de joie.

Mais le vieillard s’empara de nouveau du jeune homme et le fit rasseoir dans le fauteuil ; puis nouant aussitôt la visière verte devant les yeux du malade :