Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/309

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ferons des pèlerinages à votre intention, cher monsieur.

Le vieillard releva la jeune fille et la conduisit à la table en lui adressant des paroles de consolation et d’encouragement. Bientôt la servante parut, posa devant Trine quelques mets choisis, et quitta sur-le-champ l’appartement.

La jeune paysanne prit peu de nourriture. Soit fatigue, soit émotion, elle finit en peu d’instants son repas, et son regard se fixa avec une expression de muette reconnaissance sur son bienfaiteur, qui était venu s’asseoir à côté d’elle et l’encourageait à manger.

Le vieillard remarquant qu’elle ne touchait plus à rien, lui prit la main :

— Contez-moi maintenant, lui dit-il, d’où vous êtes, et comment il se fait que vous vous trouviez en route en compagnie de ce soldat aveugle. Dites-moi si vous avez encore des parents, et où ils demeurent.

La jeune fille se mit à parler, avec une naïve et simple éloquence, des maisonnettes d’argile, du tirage au sort, de la vieille mère, du grand-père, de Paul et du départ de Jean. Mais lorsqu’elle raconta combien elle avait eu de peine à rejoindre son ami aveugle à Venloo, comment elle avait failli s’évanouir de joie quand l’officier lui avait permis de ramener chez lui l’infortuné conscrit ; comment elle avait rêvé de la sainte Vierge, et ce qu’ils s’étaient dit, Jean et elle, pendant la route, une profonde émotion s’empara peu à peu du cœur du vieillard, et par intervalles il essuyait de ses yeux une larme de pitié. Il ne pouvait résister au doux accent de la voix de Trine,